Un enterrement atypique

Aimer c’est aussi oser

J’ai perdu mon père à 22 ans ; cet événement qui a bouleversé mon existence m’a permis de trouver ma vocation.

Impossible pour moi de m’orienter vers le traditionnel pour celui qui était si peu conventionnel. Restaurateur de juke-boxs, de flippers et de voitures américaines, mon père était aussi un bon vivant à l’humour décalé ; il était aussi fan d’Elvis Presley de Marylin Monroe et des canards (car nous étions tous surnommés « poussin » ou « canard », allez savoir pourquoi…).

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C’est dans la chapelle de Montoie où les fleurs avaient été remplacées par des petits canards en peluche, que les invités ont découvert un cercueil blanc lustré comme une voiture américaine. C’est au milieu de ces canards et habillée avec la robe blanche de Marylin Monroe que je les ai accueillis. Alors que je prenais la parole, j’ai senti un surprenant bien-être m’envahir. Je sentais que ma voix berçait les invités. Entre les larmes et les rires que provoquaient mes anecdotes, j’éprouvais une sensation d’adéquation avec le moment. Dean Martin et Elvis Presley ont ponctué cette cérémonie pleine de tendresse. J’ai demandé aux invités de prendre, s’ils le désiraient, un canard avec eux en partant ; à ma grande surprise ils ont tous disparu, adoptés comme souvenir de l’être aimé (cela, les fleurs ne l’aurait pas permis). Puis nous nous sommes rendus au cimetière où j’ai distribué des stylos pour que chacun puisse apposer un message sur le cercueil de mon père. Mes grands-parents qui étaient si craintifs de mes choix atypiques ont été les premiers à écrire un message.
Mon chère papa, dans son excentricité et sa force de vie, ne pouvait pas se contenter d'une verrée, j'en étais persuadée. J'ai alors convié les personnes présentes à venir danser, manger, boire et chanter pour honorer Francis. C'est sous le regard d'Elvis Presley qui était diffusé sur grand écran, que les convives ont partagés leurs souvenirs.

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Alors que je dansais, quelqu’un m’a tapé sur l’épaule, je me suis retournée, l’inconnu m'a prise dans ses bras et m'a dit :


Si vous étiez ma fille, je me réjouirais de mourir. Merci de nous avoir permis de retrouver Francis.

Si la douleur incommensurable du deuil m’a terrassée par la suite, je me souviens encore de l’enterrement de mon père comme de l’une des plus belles journées de ma vie.

À cette époque-là je ne savais pas encore que cette expérience me permettrait de trouver ma vocation : vous aider à créer votre propre cérémonie d’au revoir.